- numina
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ÉTYM. Fin XIXe; nume, n. m., XVIe (d'Urfé, Papon); mot lat. numen, numinis « puissance, volonté divine; divinité », étymologiquement « signe de tête indiquant une volonté ».❖1 Hist. relig. Dans la religion romaine, Puissance qui émane d'une divinité, manifestation empirique du pouvoir divin; divinité.1 (…) les forces secrètes, impersonnelles de chaque objet que les ethnologues désignent sous les noms de « mana » ou d'« orenda » ont pu, aux yeux des ancêtres des Latins, rendre compte du mouvant de l'univers. (…) dans la mentalité des temps historiques (…) un mystère innommé, vénérable, continue à envelopper la vie de la nature pour les plus religieux des poètes et des penseurs, Virgile, Sénèque (…) Mais il n'est ni déterminant ni ordonnateur.Il en est tout autrement de la notion de numen. C'est celle d'une « volonté » ou d'un « déclenchement du vouloir », à quoi se joint l'idée d'une force (vis) divine, mais sans évocation physique. Le mot, neutre, peut signifier efficacité partielle ou momentanée aussi bien que générale ou permanente; il peut s'employer au pluriel pour indiquer les différents potentiels d'une divinité plurivalente, Junon par exemple (Curritis, Lucina, Regina…) […] il peut désigner l'incompréhensible vertu réalisatrice d'un surhomme, comme Auguste…J. Bayet, Hist. politique et psychologique de la religion romaine, p. 108-109.2 (2e moitié XIXe, Baudelaire). Didact. Emphase qui confère à une représentation picturale la dimension épique ou tragique.2 Prédilection pour le mot de Baudelaire, cité plusieurs fois (notamment à propos du catch) : « la vérité emphatique du geste dans les grandes circonstances de la vie ». Il appela cet excès de pose le numen (qui est le geste silencieux des dieux prononçant le destin humain). Le numen, c'est l'hystérie figée, éternisée, piégée, puisqu'enfin on la tient immobile, enchaînée sous un long regard. D'où mon intérêt pour les poses (à condition qu'elles soient encadrées), les peintures nobles, les tableaux pathétiques, les yeux levés au ciel, etc.R. Barthes, Roland Barthes, p. 138.
Encyclopédie Universelle. 2012.